Molière et les femmes savantes

De quoi nous parle Moliere dans  les femmes savantes, au-delà de la condition des femmes et de la comédie de mœurs ! Que nous évoque ces  destins de femmes et ces portrait d’hommes, au-delà de la question de l’émancipation des femmes et de leur accès au savoir ? Qu’est ce qui fait écho à notre présent et nous pose une question plus générale ?

Que se passe t-il lorsque qu’on s’affranchit du poids du destin collectif , de l’assignation à exercer un rôle , une fonction : au siècle de Moliere,  être une femme c’est être assujettie à une appartenance d’autant plus contraignante qu’elle se prétend « naturelle ».  C’est  pour les femmes la maternité et le prolongement de l’espèce, l’adhésion sans condition à la fonction d’épouse et de mère.

Qu’est ce qui a été gagné depuis le siècle de Molière.  C’est le droit des femmes à disposer librement de leur corps, de ne plus être soumise à cette fonction de reproduction de l’espèce ou de prolongement de la lignée, c’est la séparation sexualité-procréation , c’est la sexualité hors mariage, hors enfantement,  c’est la contraception,  l’ivg, l’allégement du poids culturel de la religion sur les rapports homme-femme.

C’est aujourd’hui une revendication d’égalité des droits avec les hommes, mais égalité ne signifie pas disparition des différences, uniformité, mêmeté , pensée unique ou comportements stéréotypes. 

Bien entendu tout cela peut être remis en question, les integrismes le montre.

S’affranchir de ce qui nous détermine et d’une certaine façon nous aliène n’est ce pas la question qui se pose au genre humain dans son ensemble, à l’individu en particulier ? 

Que devient cet individu débarrassé de ses appartenances, de l’obligation, sans choix possible d’exercer un rôle une fonction qui lui est allégué par la société dans laquelle il vit, par son genre, par son rang, par sa classe sociale. 

Que devient cet individu qui n’est plus soumis au poids de la tradition, aux déterminismes sociaux ou religieux, à l’obligation de se conformer à un modèle ?

Que fait cet humain avec cette nouvelle liberté qu’il s’est octroyé , qu’il a gagné, qui le mène du déterminé, du prescrit, à l’indéterminé d’une condition qui n’est plus écrite, mais qu’il doit lui même , avec ses moyens propres écrire, mais qui est aussi le gage de sa propre liberté.

Plusieurs questions se pose alors, que faire lorsqu’on s’est débarrassé de ses appartenances, de tout ce qui nous contraignait mais qui nous servait aussi a décliner notre identité, à nous définir.

Que faire de cette liberté nouvelle?

On pouvait se définir contre ce qui nous aliènait, par un conflit , entre la loi, l’interdit, le désir, mais là dans cette liberté nouvelle que faire avec cette nouvelle  d’autonomie. Que va t’on construire?

N’est ce pas là une problématique actuelle, à une époque où l’individu quelque soit son genre est invité à sortir de lui même, à devenir sa propre institution, à faire preuve en toute circonstance d’autonomie, entendue comme s’appuyer sur ses propres ressources, à faire preuve d'innovation , à s’auto-gouverner,  là où les institutions collectives disparaissent.

Doit on penser qu’un des premiers effets de cette mutation  c’est la valorisation actuelle pour la figure de l’entrepreneur , de l’entreprise comme modèle de société, du gagnant, de la compétition , de la performance,  du self made man qui a réussit par son travail et son intelligence et à contrario la menace que nous fait ressentir l’échec, le chômage, la peur du déclassement , l’isolement social, la peur de ne pas être à la hauteur.

Pour terminer et ouvrir le débat je suggère de lire sur cette question de l’autonomie le livre de Alain Ehrenberg, » La société du malaise », et les questions auquel il nous renvoie , coincé que nous sommes entre deux modèles d’autonomie, l’un d’inspiration américaine, l’autonomie comme condition : " l’individualisme américain est construit sur la croyance en l’autonomie de l’individu lui même(le self) . C‘est la capacité pour l’individu de disposer par lui même des conditions de son indépendance lui permettant de se gouverner soi même et d’agir par lui même. Le self est l’institution par excellence » et l’autre  modèle d’inspiration républicaine où l’autonomie y est vécue surtout sous la forme d’une autonomie comme aspiration : "L’autonomie est en premier lieu une revendication d’émancipation. Elle est prise dans les conflits sociaux et politiques qui opposent la conservation de l’ordre traditionnel et la promotion du progrès. C’est pourquoi aussi l’autonomie de l’individu a d’abord été pensée sur le registre politique. Elle est l’expression de l’indépendance du citoyen qui subordonne le privé au public, les intérêts particuliers à l’intérêt général. Elle est de ce fait organiquement liée à l’existence de l’État ».

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